LES SONNETS DE G.J.

                                                                 Pensées mises en forme

   Recueil n°1

                                               

1. ANNIVERSAIRES
2. À MÉDITER
3. À QUOI SERT DIEU ?
4. L’AMOUR
5. APRÈS LA MORT, LE RÉCONFORT
6. L’ARTISTE
7. L’AURORE
8. AUTREMENT MIEUX
9. LES BAVARDS
10. UN BIEN BEAU MORT
11. LE BONHEUR ET L’ARGENT
12. CHANCE & MALCHANCE
13. LE CHOIX
14. CONVAINCRE
15. DANS MON MIROIR
16. DERRIÈRE LE TABLEAU
17. LE DÉSESPÉRÉ
18. L’ENGIN MAGIQUE
19. FAISONS UN ENFANT
20. GAZON BÉNI
21. LE HASARD
22. L’INSTINCT NOUS POUSSE
23. J’AURAIS VOULU VOUS Y VOIR
24. LIBRE ?
25. MA BONNE HUMEUR
26. MES JE T’AIME
27. MON PÈRE
28. LE MOT
29. NATALITE FATALE
30. L’OISEAU MOUCHE
31. L’OURS
32. PARADIS PERDU
33. LE PERROQUET
34. LES PETITES CULOTTES
35. PETIT TOUR EN MÉDITERRANÉE
36. PHOEBUS
37. PRÉSENTATION DE VŒUX
38. QUI DONC A DE L’ESPRIT ?
39. QUIPROQUO
40. RECHERCHE DE LA VÉRITÉ
41. RÉFLEXE ET RÉFLEXION
42. SAGESSE ET RICHESSE
43. LA SOURCE
44. LE SOUVENIR DE L’AMITIÉ
45. SPECTACLE
46. UN TABLEAU HORS DE PRIX
47. TOURNER LA PAGE
48. ULTIME REQUÊTE
49. LE VIEUX MOULIN
50. VIVRE ENSEMBLE

1 – ANNIVERSAIRES

Anniversaires, vous, qu’on craint ou qu’on attend,
Selon qu’on est gâté plus ou moins par le temps,
Avec une horlogère, une astrale constance,
Vous mesurez de bout en bout notre existence.

Mais comme on le ferait pour un mage, un prophète,
Votre venue doit être honorée d’une fête
Que ne pourraient un jour évoquer les photos
Sans les bougies qu’il faut souffler sur le gâteau.

Mais à ce rituel, des femmes font barrage,
Dans une chandelle érigée, cachent leur âge.
Pourtant rien ne vaut plus que la longévité,

Et passé la beauté, restent les qualités.
Alors, venez nombreux, joyeux anniversaires,
Et pour celui de X, faisons le nécessaire.

2 – À MÉDITER

Soudainement mais à noter jamais d’emblée,
On le remarque assis, tranquille et silencieux,
Bouche fermée, paupières tombées sur les yeux,
Il décore les bancs d’une honnête assemblée.

Les jeunes croient qu’il dort, savent qu’il n’est pas mort,
Sa poitrine donnant quelques signes de vie,
Et ils sourient de l’intérieur ou ils envient
Son repli général en son silence d’or.

Peu connaissent vraiment cette tête érudite,
De l’humaine épopée, ce placide témoin,
Qui ne souffle pas mot mais n’en pense pas moins.

Et quand cet homme là, dont on dit qu’il médite,
Revient de ses sommets pour nous vertigineux,
Apparaît dans ses yeux un soleil lumineux.(ou cotonneux)

3 – À QUOI SERT DIEU ?

Nous qui, dès l’embryon, vivons la Parque aux trousses,
Nourri des religions, nous aimons croire en Dieu,
En un Dieu sourcilleux mais miséricordieux
Qui rend l’angoisse de la mort un peu plus douce,

Mais peut aussi donner du sens à l’existence,
Nous aider à survivre mieux en attendant.
En attendant, notre Dieu d’amour débordant,
Pour Lui, nous laisse nous saigner, sans assistance.

Et cela jette un doute au fond des fortes têtes
Qui voudraient en finir avec la déité,
Ou la mettre à l’index ou lui faire sa fête.

Mais par qui ce vœux pieux peut-il être écouté ?
Si Dieu disparaissait avec ses épithètes,
L’homme s’empresserait de le réinventer.

4 – L’AMOUR

L’amour est là, dans tous les coins de l’univers,
Dans ce que le hasard incertain occasionne,
Loin des cycles printemps, été, automne, hiver,
Dès qu’une particule à une autre fusionne.

L’amour est impalpable, on ne peut qu’observer,
Sous des formes variées, ses effets manifestes ;
De l’amant éconduit qu’il avait fait rêver,
Côté haineux, parfois, il retourne la veste.

L’amour est sous la loi d’un plaisir imposé ;
Aussi, la vérité qui déconcerte, irrite,
Répond à la question qu’il faut bien nous poser :

 »Est-ce une qualité valant quelque mérite
Qu’aimer pour le plaisir qu’aimer peut nous donner ? »
N’y pensons pas en effeuillant la marguerite.

5 – APRÈS LA MORT, LE RÉCONFORT

Quelle que soit l’idée qu’elles se font de Dieu,
Toutes les religions se soucient de nos âmes
En faisant de nos vies de piété le sésame
Pour entrer en esprit dans un monde radieux,

Elles nous vouent au choix l’enfer sans barguignage,
Ou bien le ciel, le paradis, le nirvana,
Diverses vies et de l’amour et des nanas,
Estiment superflues preuves et témoignages.

Renaissons-nous ? Sous quelle peau ? Combien de fois ?
Notre savoir en la matière a des lacunes,
Mais je peux témoigner, sans prétention aucune,

Qu’en me faisant goûter un printanier émoi,
Une seconde vie s’est introduite en moi
Le jour où j’ai compris que je n’en avais qu’une.

6 – L’ARTISTE

En tous lieux, de tous temps, qui possède un talent,
Conquis dans la sueur, acquis à la naissance,
Imagine en tirer profit, bon an mal an,
Assez d’argent pour vivre, ou la reconnaissance.

Pour édifier son œuvre, exercer sa passion,
Doté de ses outils, comme un diable il s’affaire,
Tâchant de concilier audace et discrétion,
Montre à l’aimable société, ce qu’il sait faire.

Si les gens bienveillants, n’y voient qu’opacité,
Le feu du malheureux s’éteint dans l’amertume,
S’ils éprouvent l’heureuse envie d’en profiter,
Oxygénée, sa flamme augmente de volume ;

Elle est parfois ce legs à la postérité
Que l’artiste entrevoit dans ses rêves posthumes.

7 – L’AURORE

J’allais je ne sais où, promenant ma vie d’homme
Entre les interdits balisant mon chemin,
Sous des cieux plus secrets qu’une boule de gomme
Inapte à dévoiler ce que sera demain ;

Jusqu’à l’événement d’un réveil matinal
Empli du chant joyeux d’une jeune inconnue
Portant d’une main haute un flamboyant fanal,
Illuminant mon aube, éparpillant les nues.

Quand de ma bouche bée, put s’échapper un son,
De cette apparition subsistait la promesse
Qu’aujourd’hui serait faste et propice aux moissons.

Depuis, en espérant à nouveau qu’apparaisse
Cet esprit du matin chantant sans qu’on l’implore,
Je fraye mon chemin aux clartés de l’aurore.
8 – AUTREMENT MIEUX

Après avoir commis un acte regrettable
Venu d’un feu soudain qui nous a desservi,
Qui ne s’est jamais dit dans l’instant qui suivit :
 »Mais pourquoi j’ai fait ça, était-ce inévitable ? »

Aurions-nous pu faire autrement, sans condition ?
Les partisans du oui foisonnent par le monde
Et cette affirmation sans vérité profonde,
Beaucoup l’avancent volontiers, par convention.

Refusant les  »je crois », les croyances intimes,
Le nient de grands esprits, des partisans du non.
Jacquard, Kant, Nietzsche ou Spinoza, entre autres noms,
Auraient pu dire en prose ou pourquoi pas en rimes :

 »Comment à chaque instant, n’étant que ce qu’on est,
Pourrait-on faire autrement mieux que ce qu’on fait ? »

9 – LES BAVARDS

Dès qu’un cercle d’amis sied autour d’une table
Pour un partage alliant bonne chère et esprit,
On voit souvent l’un d’eux, une âme charitable,
Déverser comme il pleut ses lumières sans prix.

Bien élevé, vous attendez le bref instant
Où vous pourrez enfin immiscer un dialogue,
Mais dès que vous y parvenez, en persistant,
Il vous coupe aussitôt, reprend son monologue.

Plus besoin de parler, répondre est inutile ;
Vous n’avez plus qu’à faire mine d’écouter
Ses opinions sur tout, surtout creuses, futiles,

Et à vous demander comment, sans le heurter,
Prendre congé de lui, de ceux, jamais les mêmes,
Qui ne se verront même pas dans ce poème.

10 – UN BIEN BEAU MORT

 »Pourriez-vous, cher monsieur, améliorer le look
De mon défunt mari, lui passer un costume ?
J’aimerais lui porter une attention posthume,
Qu’il ne soit pas en bière habillé comme un plouc. »

 »L’embaumeur que je suis vous a très bien comprise ;
Demain, votre mari va faire des envieux
Auprès de ceux qui le verront, jeunes ou vieux ;
Mais je n’en dis pas plus, vous aurez la surprise.  »

Le lendemain, on aurait dit qu’un magicien
Avait ensorcelé la chambre mortuaire
Lorsque l’on découvrit, en ôtant le suaire,
Un bien beau mort en habit d’académicien.

 »Comment avez-vous fait ? », dit la veuve à l’esthète.
 »J’ai remplacé son corps et j’ai gardé sa tête.  »

11 – LE BONHEUR ET L’ARGENT

Si l’argent n’apportait que souffrance et malheur,
Les riches de tous temps auraient donné le leur,
Mais les biens, ces besoins que la pub énumère,
Nous apportent confort et bonheur éphémère.

S’initier, en revanche au théâtre ou au chant,
À ses rêves géants, laisser le libre champ,
Ou s’embarquer pour une odyssée mémorable,
Peut nous faire éprouver un bonheur plus durable.

Qu’il soit fugace ou long, tout le monde est preneur
De cet heureux moment de vie qu’est le bonheur
Quand il nous vient dans la lecture d’un poème

Ou sous tout autre forme assurément qu’on aime,
Pourvu qu’il corresponde à nos propres valeurs
Faites de froid argent ou d’humaine chaleur.

12 – CHANCE & MALCHANCE

La chance rend heureux pour peu qu’on ait conscience
Qu’on lui doit d’être né ailleurs qu’au Burundi,
D’avoir eu sur les bancs, des maîtres de patience
Et chez soi, des parents qui nous ont fait crédit.

Mais mieux vaut être sourd que d’entendre ces gens
Que la chance a coiffés d’un prétentieux diadème,
A rempli de désirs, fait forts, intelligents,
Se glorifier d’avoir à ne louer qu’eux-mêmes.

Le Titanic en lui, portait chance et malchance
Que le destin alloue partout aveuglément,
Sans jamais annoncer la fatale échéance.

Et puisqu’on ne peut rien à leur avènement,
Restons petits quand avec nous il est clément,
Et avec nos chagrins, prenons quelques distances.

13 – LE CHOIX

Faut-il être un Einstein, un Sartre, un Baudelaire,
Pour imaginer un passé pas si lointain
Où le mot choix n’existait pas, ni en Latin
Ni dans aucun des plus anciens vocabulaires ?

 »Que faisiez-vous quand vous aviez à faire un choix ? »
Pourrait-on demander aux hommes de cet âge.
 »Nous choisissions, pardi, sans l’aide du langage,
Comme vous aujourd’hui quand le moment échoit. »

Des choix, à chaque instant, devant nous se présentent ;
Que nous sachions deux mots ou un assortiment,
Parmi cent mille options tentant nos jugements,
D’instinct va notre choix vers la plus séduisante.

Celle-ci s’imposant, disons la règle exacte :
Un choix n’est jamais libre ou le choix n’est qu’un acte.

14 – CONVAINCRE

Cette empathie que la nature en nous fait naître,
Veut qu’on tienne aux amis des propos généreux,
Leur dise, selon nous ce qui est bon pour eux,
Parfois avec des mots qui les clouent, les pénètrent.

Nos mimiques, nos mains, notre ton, notre corps,
Dans leur muet langage, au poids des mots, s’ajoutent.
Nos discours enflammés, nos véhémentes joutes,
S’appliquent à convaincre, à gagner un accord.

Les règles de la vie font qu’on veuille convaincre.
Le bébé qui vagit, ne sachant dire un mot,
Ne nous convainc t-il pas qu’il éprouve des maux ?

Tant qu’il boute la mort, s’efforce de la vaincre,
Comme le fait pour mieux convaincre, un avocat,
Notre parler fougueux, ne le retenons pas.

15 – DANS MON MIROIR

Dans mon miroir, en regardant au premier plan,
Pendant le rituel d’un énième rasage,
Je vois deux yeux qui silencieux me dévisagent
Entre deux touffes parsemées de cheveux blancs.

Derrière, au second plan, je vois la vie d’un homme,
En séquences de paix, de chagrins, de douleurs,
Un flot de souvenirs irradiant leur chaleur
Dans les flancs palpitants de mon sourd métronome.

Plus loin, à l’infini, j’entrevois l’univers,
Chrysalide éternelle en ses métamorphoses,
Qui par le juste effet d’une série de causes,
A mis ici la vie sous des aspects divers,

Sur pattes ou sur pieds mais, comme des pantins,
Marchant, volant, sans le savoir, vers leur destin.

16 – DERRIÈRE LE TABLEAU

Dans la vie de grand-mère, il n’y eut qu’un mystère
Survenu bien avant qu’elle nous eut quittés,
Celui de cette crêpe, après qu’elle eut sauté
De son poêlon, qui disparut sans commentaire.

À son décès, en nettoyant son logement,
De derrière un tableau, ce qui tomba par terre,
Pour celui qui le ramassa fut un mystère
Qu’aurait pu dévoiler en riant grand-maman.

Nous qui cherchons, derrière une secrète toile,
Quelles causes cachées ont conduit son auteur
À rentrer dans le rang des mortels créateurs,

Craignons de ne jamais pouvoir lever le voile
Comme on leva celui de la présente poêle ;
Elles sont le jouet du Grand Ordinateur.

17 – LE DÉSESPÉRÉ

Personne dans ce bar où le client vient boire
Pour oublier il ne sait plus quoi justement,
Ne peut réconforter cet homme en plein tourment
Qui d’un ton Malrausien déclame ses déboires :

Celui qui, le premier, l’abattit à demi,
Fut son boss, un vaurien qui le mit au chômage,
Puis sa femme de rien qui lui dit c’est dommage
En emmenant son lit chez leur unique ami.

Et maintenant, alors qu’il honnit ces deux garces,
Et sa femme et sa vie, deux tourments permanents,
Alors qu’il espérait un suicide imminent,

Ce type satisfait de sa crétine farce
Qui lui pique et s’envoie son remontant maison
Qu’il venait de corser d’un foudroyant poison.

18 – L’ENGIN MAGIQUE

Il peut nous arriver, le nouvel an venu,
De ne pas le souhaiter, d’un fixe ou d’un portable,
À cet ami lointain, ancien mais véritable,
Qui le déplore en mots à peine contenus.

Nous nous énumérons les pourquoi désolés
Qui légitiment notre oubli, notre silence,
Sans oublier, pour influencer la balance,
Que notre ami pouvait aussi nous appeler.

Nous n’imaginons pas que notre ami avait
Lui aussi ses raisons pour lui-même logiques,
Que nous et lui sommes deux cas analogiques.

Que faire enfin pour éloigner le vent mauvais,
De mieux qu’un pied de nez aux comédies-tragiques
Et décrocher, comme une clé, l’engin magique ?

19 – FAISONS UN ENFANT

J’étais à moitié seule avant que tu paraisses,
Sous ma gorge couvait un malaise inconnu ;
Ton regard, en entrant par mes yeux ingénus,
Aussitôt l’a guéri de sa douce caresse.

Depuis ce fol instant, j’ai dénombré les mois ;
À notre flamme, ils ont donné plus d’assurance,
Plus de force, d’éclat, de grandes espérances,
Je ne me sens plus seule en te sachant à moi.

Légers comme un oiseau, forts comme un éléphant,
Nous sommes prêts à embarquer sur la même arche.
En imitant Noé, ce noble patriarche,
Nous créerons notre éden, heureux et triomphants.

Pour mettre un point vital, enfin à nos démarches,
Coupons l’ultime amarre en faisant un enfant. (pour Lola)

20 – GAZON BÉNI

En semaine, un matin où j’étais occupé
À tondre le gazon, suant plus qu’en usine,
Parut sur le chemin le rutilant coupé
Des nouveaux habitants de la villa voisine.

La femme à son volant, que tout homme fidèle
Ne pourrait héberger sans perdre la raison,
Ralentit, s’arrêta, puis me dit, sûre d’elle :
‘’Vous prenez cher, monsieur, pour tondre le gazon ?’’

Ambigus et légers comme des pierres ponce,
M’arrivèrent ces mots au demeurant polis ;
En clair et illico lui parvint ma réponse :

‘’La femme qui habite ici me paie au lit.’’
Depuis, de mois en mois, le quartier embellit,
J’y tonds tous les gazons, parfois même les ronces.

21 – LE HASARD

Le hasard est un son qu’un ancêtre, jadis,
Prononça pour nommer les faits imprévisibles
Et ceux qui survenaient sans raison accessible
Mais qu’il croyait voulus par quelque Toutatis.

C’est ainsi que ce Dieu, cet invisible oracle,
Expliquant toujours tout par quelque signe abscons,
L’ancêtre qui avait déjà l’esprit fécond,
En fit l’auteur des beaux hasards, crût aux miracles.

Aucun fait ne pouvant arriver sans raison,
Ce qui arrive par hasard en a de bonnes ;
Mais celles-ci nous échappant, rien ne permet

De supposer que le hasard, brouillant la donne,
Aurait pu faire se produire un autre effet ;
Mais à nous bercer d’illusions, nous nous plaisons.

22 – L’INSTINCT NOUS POUSSE

Au sortir éprouvant de la poche des eaux,
À pousser notre premier cri, l’instinct nous pousse,
Puis la langue des grands donnant son coup de pouce,
Sortent nos gazouillis comme des chants d’oiseaux.

Car nous obéissons, soumises créatures,
Ignorantes autant des plus frustes jargons
Que des pensées d’Hugo, de Rimbaud, d’Aragon,
Aux besoins impérieux de l’aveugle nature.

Le premier mot poussé, nous poussons le second ;
Et ainsi, peu à peu, verbes, noms, épithètes,
Faisant notre conscience en entrant dans nos têtes,
Forment d’instinct des trains de vocables wagons.

Leurrée, notre conscience ainsi se croit la cause
Des mots que le besoin qu’ils soient dits lui impose.

23 – J’AURAIS VOULU VOUS Y VOIR

J’entends vos railleries valant ce qu’elles valent,
Mais j’aurais bien voulu, mes amis, vous y voir,
Devant votre passion des chevaux, des cavales,
Rajoutez-y l’envie de ne pas décevoir.

Je m’explique : un ami, jockey de profession,
Vous propose en usant de sa débrouillardise,
De vivre à l’hippodrome un moment d’exception
Au milieu des chevaux prêts à fendre la bise.

Saisissant l’occasion, vous acceptez, bravache,
Quand une selle ayant de quoi vous émouvoir,
Tombe sur votre dos qu’on monte et qu’on cravache.

C’est là, mes chers amis, que j’eus aimé vous voir,
Sur le gazon d’Auteuil, le fleuron du 16ème,
Qu’auriez-vous fait enfin ? Moi, j’ai fini troisième.

24 – LIBRE ?

La nature, absolue provoque nos envies ;
D’entre elles, la plupart assure notre vie ;
Un nombre plus petit semble avoir fait le vœu
De causer notre mort, vite ou à petit feu.

Besoins, désirs, envies, qu’importe le vocable ;
Outre que nos pulsions s’avèrent immanquables,
Elles ont sur notre être un douloureux effet
Qui se poursuit tant que rien ne les satisfait.

Dépendant de ce rien, pourrait se dire libre
Celui qui soumettrait son chimique équilibre,
Ses gènes, son passé, sa beauté, son mental,
Et qui ne souffrirait d’aucun manque vital.

De son ego, ne ressentant aucune gène,
L’homme a du mal à voir tous les fils qui l’enchaînent.

25 – MA BONNE HUMEUR

J’aime son feu vermeil pétillant et gracieux
Qui ravit mon oreille, émerveille mes yeux ;
Le feu, la joie, la vie gorgeant ses chaudes ondes,
Nuages gris, dépits, sous ses caresses fondent.

Ma chère bonne humeur, comme un très haut soleil,
Me sort du lit avec ardeur dès mon réveil ;
Souriant aux bienfaits de ses grâces fécondes,
Je voudrais ne jamais la perdre une seconde.

Hélas, aussi longtemps qu’en moi vivra cet homme,
Bâtisseur impatient freiné dans ses projets,
Gourmand de fins plaisirs mais ne pouvant toujours
Apaiser les désirs auxquels il est sujet,

Je donnerai congé, mais jamais plus d’un jour,
À ma trop bonne humeur, ferai la tête en somme.

26 – MES JE T’AIME

J’avais l’âge où l’élan printanier qui nous porte,
D’une brume rosée, voile notre raison,
Où l’on se croit vibrer au même diapason
Que l’allégresse en pieds qui nous ouvre sa porte.

Celle-ci, chavirée sous mon flot de je t’aime,
Dormant sous les lauriers de se laisser aimer,
Omis de libérer ses émois enflammés ;
Sur les lauriers fanés naquit un chrysanthème.

Aussi quand celle-la viola mon domicile
Pour édifier mon corps en terrain de baisers,
Je retins, angoissé mon amour avisé,
Épargnai mes je t’aime en avare imbécile.

Aujourd’hui, quand j’allais enfin les lui chanter,
Sans rire et sur le quai, ma belle m’a quitté.

27 – MON PÈRE

Ce n’était pas un saint mon père ;
Il ne parlait jamais à Dieu ;
En l’homme, y trouvant ses repères,
C’est pour lui seul qu’il n’avait d’yeux.

Ni la guerre, ni l’après-guerre
N’en firent un héros non plus ;
Pour ne rien dire, il parlait guère,
Mais ses bons mots vous auraient plu.

Pas héros, pas saint, pas génie,
Mais il rayonnait tout autant,
Et malgré ce que le temps coûte,

Doué de patience infinie,
Il vous offrait, réconfortants,
Les rayons chauds de son écoute.

28 – LE MOT

Qu’on le dise, l’écrive, l’entende, le voit,
Ou qu’on le sente en le palpant du bout des doigts,
Le mot, s’il n’est vêtu d’une forme criante,
N’a ni sens inhérent ni valeur immanente.

Pour la première fois, qui entend  »S’agapo »
Ne peut que le comprendre à l’aide d’autres mots ;
S’il n’en connaît aucun, un baiser, un chant, même,
L’initieront à l’un des maints sens de  »je t’aime ».

Si le mot inconnu ne nous fait pas d’effet,
Le mot connu nous aide à vivre ou nous défait,
Occasionne un enchaînement seul et unique
De causes et d’effets mortels ou bénéfiques.

Les mots ne sont pas que des mots, ce sont des faits ;
De guerre et négatifs, d’amour et poétiques.

29 – NATALITÉ FATALE

La machine à manger qu’est notre humanité,
Emportée dans sa course à l’infinie croissance,
Vivant dans les déchets de son infinité,
Devra demain peut-être ordonner les naissances.

Devra-t-elle édicter des lois, des règlements,
Infliger des quotas, la castration chimique,
Fabriquer les bébés artificiellement,
Envoyer dans les champs la faucheuse atomique ?

À moins qu’elle produise un vorace virus,
Un nettoyant puissant qui fera place nette ;
En bénissant cette victoire à la Pyrrhus,
Les survivants se chercheront sur la planète.

Et puis, (si Dieu le veut), phallus et utérus,
Reprendront du service, antique mais honnête.

30 – L’OISEAU MOUCHE

Mais qu’a t-il donc à s’agiter cet oiseau mouche ?
Fait-il son important ? Pourquoi crie t-il ainsi ?
Voudrait-il avec nous partager nos soucis,
Nous alerter sur un danger qui l’effarouche ?

Lui qui jamais n’oppose aux cris des boutefeux
Ou aux froids sifflements de la gente rampante,
Que de jolies chansons joyeuses et pimpantes,
Aux habitants de la forêt, il crie au feu.

Il ne peut plus rester dans son nid confortable
Quand son bois enfumé devient inhabitable.
En son bec, une goutte d’eau, peut-être deux

À larguer sur le feu que l’homme dégueulasse
A provoqué ; c’est peu mais l’oiseau vertueux
Pourra se regarder le matin dans sa glace.

31 – L’OURS

Midi, sur le vieux port et chez Tony, c’est l’heure
Où le parfum d’anis couvre les vents marins.
Au comptoir, accoudé, fabule un Tartarin ;
Dans le bar on l’écoute et on rit tant, qu’on pleure.

Mais son histoire d’ours inquiète l’auditoire
L’imaginant cul nu pour un besoin pressant
Quand devant lui se dresse un grizzli menaçant,
Furieux qu’on souille ainsi son propre territoire.

‘’Et dans ces moments-là, chevilles prisonnières,
Pas question, vous savez, de partir en courant ;
Je me relève alors et je prends … et je prends …‘’
Répète le héros, cabot à sa manière.

 »Alors, dit un dindon, dis-nous qu’est-ce que tu prends »
 »Pour moi, dit le bouffon, ce sera une bière.’’

32 – PARADIS PERDU

Dans un passé biblique, un couple en union libre,
Ayant pris une loi divine avec dédain,
Par son ôte, inhumain, fut chassé du jardin
Où il vivait sur ses deux pieds, en équilibre.

De sa feuille vêtu, le poil à découvert,
Sans arme ni bagage, il partit en voyage,
Vivant de cueillaisons et autres grappillages,
Battant de large en long son nouvel univers.

Génétique héritier de ce couple mythique,
L’homme depuis ce temps rêve de retrouver
Son jardin édénique et de le cultiver.

Mais sa terre devient desséchée, squelettique,
Et s’il ne sait demain ce qu’il pourra manger,
Il sait qu’il ne pourra … pas changer de boutique.

33 – LE PERROQUET

Un magicien, un Houdini de l’impossible,
Avait un perroquet qui parlait, imitait ;
Hélas, à chaque tour que son maître inventait,
Moqueur il cancanait :  » patron, c’est pas terrible »

Que l’artiste sortit d’un tout petit mouchoir,
Une colombe, trois lapins ou dix reptiles,
Le perroquet, en difficile volatile,
Répétait ces trois mots du haut de son perchoir.

Jusqu’à ce jour, entre New-York et Saint Nazaire,
Où leur navire ayant coulé comme un marteau,
L’oiseau, sur le dos de son maître, un catho

Qui dans l’eau non bénite égrainait son rosaire,
Sortit enfin ces mots, d’une voix de misère :
 »Fais pas l’con, eh patron, où t’as planqué l’bateau ?’’.
34 – LES PETITES CULOTTES

Sur un fil étendues, chacune en son jardin,
Séparées seulement par une étroite haie,
Deux jolies petites culottes bavardaient
Tout en séchant ; jugez plutôt du ton badin :

 »Moi, dit l’une, je ne peux être plus heureuse,
Je vois, au cinéma six films au moins par mois ;
Et pendant l’entracte, les yeux des gars, vers moi
Se tournent plus que vers le panier de l’ouvreuse. »

 »Moi, celle qui me porte, dit l’autre, peinée,
Aime tant le ciné qu’elle y passe son temps,
Et depuis qu’elle y va seule, cette année,

Elle en revient toujours plus riche qu’en partant ;
Mais j’aimerais bien savoir pour quelle raison,
Comme un chiffon, elle me laisse à la maison. »

35 – PETIT TOUR EN MÉDITERRANÉE

Au tournant d’une vie décemment pensionnée,
Ayant enfin le temps de vivre tout son saoul,
Tout couple bien portant, doté de quatre sous,
S’accorde un petit tour en méditerranée.

Du Maroc à l’Espagne et jusqu’au Portugal,
On lui ouvre mosquées, basiliques, musées,
Temples, tombeaux, caveaux, vieilles pierres usées,
On offre à ses focus un optique régal.

Vestes en peau, robes en soie, tapis de rêve,
Remises et rabais tentent de le tenter ;
Souvent seule y parvient une tasse de thé.

Quand sous son ciel enfin son voyage s’achève,
Il donne son adresse aux amis rencontrés,
Heureux d’être parti … mais bien plus de rentrer.

36 – PHOEBUS

Phoebus, un Apollon, n’a rien d’un homoncule ;
Chaque jour il conduit dans le ciel des humains,
Son chariot de lumière, une lyre à la main,
Sans s’arrêter, depuis l’aurore au crépuscule.

Phoebus n’est pas méchant mais pour avoir la paix,
Cyclopes et pythons sous ses flèches succombent ;
Il fait ce que partout ses devoirs lui incombent,
Foudroie tout droit ceux qui lui manquent de respect.

Sa beauté reconnue sur terre et dans l’espace,
Veut qu’en tous lieux il y connaisse un franc succès.
Ses besoins amoureux le mènent à l’excès,
Nymphes, muses, femmes et hommes, tout y passe.

Phoébus est un poète, un barde, un musicien,
Mais mais mais mais, mais mais mais mais, c’est un vaurien.

37 – PRÉSENTATION DE VŒUX

La salle du village est complète et son maire,
Que rien ne décourage, y présente ses vœux,
Résume en peu de mots ses épreuves amères,
Sur sa noble mission, se montre plus verveux.

Derrière lui, debout, un rang de conseillers ;
À l’un d’eux, fatigué, on apporte une chaise.
Un homme tout à coup, sans doute apitoyé,
Porte la sienne au groupe en créant un malaise.

Le maire, interrompant son exposé loquace,
Dit  »merci, mais ce n’est pas à vous d’en juger ».
C’est vrai que les élus, pour ce long face à face,

Avaient souhaité se présenter debout-rangés,
Oubliant la fatigue et les membres âgés,
Pensant prouver ainsi leur sagesse efficace ?

38 – QUI DONC A DE L’ESPRIT ?

Qui donc a de l’esprit ? Que les avocats plaident :
1ère plaidoirie :  »Si qui a de l’esprit se doit d’être éveillé,
Par quelque maladie de n’être pas brouillé,
À ne pas en douter, l’animal en possède. »

2ème plaidoirie :  »Si qui a de l’esprit doit comprendre les sons, Les dessins, les croquis, les tracés, l’écriture,
Les aveugles, les sourds, les jeunes créatures,
N’ont pas un brin d’esprit, pas plus que les poissons. »

Verdict :  »A de l’esprit toute espèce vivante ;
Les messages reçus par leurs sens bien portant,
Odeurs, saveurs, images et touchers parlant,
Commandent sans faillir leurs actions éloquentes. »

L’esprit, la vie, deux mots disant la même chose,
Qui comblent le néant quand l’homme en paix repose.

39 – QUIPROQUO

Côté plastique, elle n’avait rien de Vénus,
Rien qui puisse combler les mains d’un honnête homme.
Je me disais en l’observant dans l’autobus,
Que ses volumes n’auraient pas pu faire un tome.

Quand ses yeux dans les miens, soudain se sont plantés,
Insinuant un quiproquo dans mes artères.
À lui dire deux mots, me croyant invité,
Je l’abordais dès qu’elle eut mis un pied à terre.

Je lui passais la bague au doigt presque illico.
Dix ans plus tard, après une coquine sieste,
Elle éclaircit par ce qui suit mon quiproquo :

 »Dans l’autobus, une copine à l’esprit leste,
Venait de me glisser à l’oreille ces mots :
Regarde ce garçon, j’en ferais bien ma sieste »

40 – RECHERCHE DE LA VÉRITÉ

La fausseté pouvant, comme l’obscurité,
S’avérer menaçante, nocive, mortelle,
Notre vital instinct, merci pour sa tutelle,
Nous pousse à rechercher partout la vérité.

On la guette sortant d’une enfantine bouche,
De celle qui valide in vino veritas,
De derrière un rideau, un huis, un vasistas,
Dans une injure, un mot qui nous blesse, nous mouche.

Mais on ne l’attend pas d’un arracheur de dents,
Ni de l’ami trop bon à l’éloge d’argile,
Et si pour un croyant elle n’est qu’évangile,
En vérité, je vous le dis, depuis Adam,

On la trouve voilée mais toute nue, macache,
La vérité de l’homme étant dans ce qu’il cache.

41 – RÉFLEXE ET RÉFLEXION

S’il a plus envie de vivre que de se pendre,
Qui est face au danger voit son corps s’en défendre,
Se déchaîner en lui d’infinies réactions
Dont le prodige du cerveau, la réflexion.

Mais en fonction de l’imminence du danger,
Lui est juste accordé le temps de gamberger,
Le temps pour ses neurones et leurs connaissances,
D’assurer à son corps la plus longue existence.

Ce temps dont la nature intime est un mystère,
A pour nous, les humains, une vaste extension
Qui varie entre deux infinis similaires

Et fait comprendre que, sans exception :
La réflexion est un plus ou moins long réflexe
Et le réflexe, une rapide réflexion.

42 – SAGESSE OU RICHESSE

Un prof, en caressant devant ses étudiants
Une très vieille lampe, entendit un génie
Lui proposer au choix : la sagesse infinie
Ou la richesse, en or et autres ingrédients.

Le prof, abasourdi devant tant de largesse,
Bredouilla des mercis au génial inconnu ;
Celui-ci disparut comme il était venu
Dès qu’il eut entendu  »Je choisis la sagesse ».

Les étudiants portaient déjà sur un pavois
Leur enseignant parfait devant ce cas d’espèce
Et qu’ils voulaient entendre afin qu’ils s’en repaissent.

Finalement le prof, d’une petite voix,
Livra ces quelques mots d’une infinie sagesse :
 » Que j’étais sot, j’aurais dû choisir la richesse ».

43 – LA SOURCE

Suivant comme une anguille un mystérieux appel,
J’ai remonté le lit d’un ruisselet limpide
Et connu l’émotion en ses rives humides,
D’une résurrection en un lieu maternel.

Réel hymne à la paix, à la tranquillité,
Un chant continuel accompagna ma course.
Enfin, coulant du flanc de la terre, la source
Révéla sa nature en toute humilité.

La source était parlante et son parler chantant
Se tinta d’élégance en m’invitant à boire ;
L’eau qu’avide je bus dans mes mains en ciboire,

Aussitôt m’éclaira d’un savoir éclatant ;
Depuis lors, éprouvant une envie de comprendre,
Je remonte à la source, avant tout pour apprendre.

44 – LE SOUVENIR DE L’AMITIÉ

Dans le jardin des sentiments,
Si le terrain n’est en jachère,
Pousse une plante rare et chère
Entre la fraise et le piment.

Pour exister, elle n’attend
Pas de discours, pas d’homélie,
Mais souhaite pour une embellie,
Qu’on dise un mot de temps en temps

À ce parent, ce vieil ami
Qui vit encore en nos pensées
De jours en nuits plus émoussées.

Un mot, deux mots, même à-demi,
Pour évoquer la vie passée
Avant qu’on se soit endormi.

45 – SPECTACLE

Quand le rideau de mes paupières est levé,
À ma vision sur toi, qu’il n’est plus un obstacle,
Ton visage saillant de ton col relevé
Est à mon humble avis, le plus beau des spectacles.

Quand une frêle flamme illuminant nos joues,
Je te déclame en vers une pièce de moi,
Te voir entériner le rôle que je joue,
Me donner la réplique, augmente mon émoi.

Aussi, quand j’ai rejoint ma chambre sous les toits,
Mon théâtre de poche insoupçonné de toi,
Sur mes planches de bois, dans mon décor de pierre,

Je t’imagine vivre un acte journalier,
Relever tes cheveux, délacer tes souliers,
Derrière le rideau fermé de mes paupières.

46 – UN TABLEAU HORS DE PRIX

Son papa s’inclinait en l’appelant princesse,
Sa fraîcheur habillait tous les parfums fleuris.
Des rois auraient envié ce tableau hors de prix
Du monde et d’un enfant se souriant sans cesse.

Pour ces jeunes casqués, c’était un grand honneur
Qu’elle monte avec eux leur bombe trépidante,
Mais elle préférait fouler l’herbe, prudente,
Les plus petites joies faisant son grand bonheur.

Elle enfourcha pourtant, acceptant de justesse,
La moto d’un garçon qui lui fit un pari.
On ne sut pas lequel après qu’on découvrit
Le corps démantelé de la jolie princesse.

Gageons en aparté, quand est dite la messe,
Qu’aucun roi n’eut envié ce tableau hors de prix.

47 – TOURNER LA PAGE

Vouloir avoir le dernier mot, pour un savant
Qui dit sa vérité, peut en faire un martyre,
Mais pour un accusé qu’on a traîné devant
Les justes tribunaux, peut faire qu’il s’en tire.

Vouloir avoir le dernier mot, pour deux compères
Qui cherchent la lumière au fond des puits abscons,
Peut les faire avancer sur des terrains féconds,
Entraîner leurs pensées vers de nouveaux repères.

Vouloir avoir le dernier mot, pour deux parents
Qui ont chacun raison mais des vues divergentes,
Peut faire deux rivaux qui dérapent, déjantent,
Qui raniment des maux cachés et déchirants.

Pour que de ces combats nul ne sorte perdant,
Tourner la page est la prouesse intelligente.

48 – ULTIME REQUÊTE

Si je médite comme un sage sur ma vie,
L’honnêteté me pousse à faire le constat
Qu’à chaque instant, sans jamais dévier d’un iota,
Je n’ai cherché qu’à satisfaire mes envies.

Quand je le pus, je fus heureux, me sentis bien
Et dans ce cas, comme chacun, je me dis libre ;
Quand je ne pus combler mon exigeante fibre,
Je me dis prisonnier, captif homo-sapiens.

Alors quand aura fui de moi l’envie de vivre,
Avant que de mes plaies s’enfuie ma dignité,
Je veux que les toubibs suivent ma volonté :

 »Sans attendre, fermez, de ma vie, le grand livre ;
Je veux sentir, avant que ma fin me délivre,
Mon illusoire sentiment de liberté ».

49 – LE VIEUX MOULIN

Sur mes débris couverts de lierre
On pourrait écrire un roman
Le grain crissait sous mes meulières
Demandez aux vents si je mens

Sur mon parvis à tous moments
S’unissaient les gens du village
Naissances et enterrements
S’apparentaient aux mariages

Jusqu’à ce que tombe la foudre
Les gens disaient c’est le progrès
Ils m’ont laissé partir en poudre

Je n’ai pourtant aucun regret
Pas de chagrin pas d’amertume
Ayant ri plus que de coutume

50 – VIVRE ENSEMBLE

Instinctive, la peur écarte de la tombe ;
On la ressent, lui obéit bon gré mal gré
Et quand elle parvient à un trop haut degré,
On rassure celui qui sous sa coupe tombe.

C’est pourquoi par des mots, des actes consistants,
On se doit d’apaiser les têtes tourmentées,
Les religieux, les agnostiques, les athées,
Contre le fanatisme et ses représentants.

Quand le droit aura mis hors la loi l’intégrisme,
Les sectes accrochées à leur morbidité,
Quand l’Islam aura pris dans la laïcité
Le soutien de son être et de son modernisme,

Le vivre ensemble enfin, débordant d’optimisme,
Pourra voir élevé son temple en la cité.

« Les sonnets de GJ » a été achevé d’imprimer le 02 12 2015

sur les presses de l’Imprimerie Paul Roubaud à Aix en Provence
Contact : sonnets de gj@sfr.fr

Cet ouvrage a été tiré à 500 exemplaires
Novembre 2015 – Dépôt légal 4ème trimestre 2015